III) Infiltrations au clair de lune
Le groupe se rendant au village ne tarde pas à apervevoir les premiers signes d'activité: dans les champs un homme déblaie quelques parcelles pour faire manger ses cochons, à l'entrée un cheval tire une charrette chargée de tonneaux, sur la place un crieur vend des blocs de glace tandis que des enfants jouent à "la chasse aux mutants". Nina hèle le premier villageois qu'elle voit et s'annonce comme une haute prêtresse de l'Ecclesiarchie accompagnée de son garde du corps. Elle cherche un endroit pour la nuit, ayant prévu de se rendre au monastère le lendemain. Le brave homme, impressionné par sa prestance et son charisme (et aussi par les quelques pièces qu'elle lui donne), s'exécute immédiatement et les conduit avec les plus grands égards à la taverne de la Mar'Mite, seule auberge de Villermarq. Quasiment arrivée, Nina sent une potentiel psychique assez faible et lorsqu'elle tourne la tête pour voir de quoi il en retourne, n'aperçoit qu'une silouette décharnée reculer dans les ombres d'une ruelle. Un fois à l'intérieur de l'établissement, les deux compères font rapidemment connaissance avec Marta Grüber, son mari Hanz et leur apprenti Phil. La meilleure table leur est préparée ainsi que les meilleurs mets. C'est en tout cas ce que prétend Hanz mais Nina n'en est pas convaincu à la vue de la table incrustées de miettes fossilisées dans le gras séché, du plateau de fromages couvert de croutes vertes et de champignons, de l'étrange potage bouillant et de l'alcool âpre où flottent des morceaux impossibles à identifier. Habituée à la nourriture civilisée des cités-ruches, cette expérience est un véritable cauchemar pour elle mais elle en profite pour se renseigner discrètement sur le monastère. Pendant ce temps, l'ork et le slaugth gravissent le pic du Rouge Dragon. L'ascension, bien qu'abrupte et enneigée, ne pose pas de problèmes aux deux xénos au physique si particulier. A tel point qu'ils décident même d'agir dans la zone la plus neigeuse afin de masquer leur approche au maximum. Leur périple se poursuit ainsi pendant deux bonnes heures mais se trouve ralenti sur la fin par la nuit tombante. Enfin, ils débouchent relativement près du sommet, suffisemment pour observer les défenses du monastère. Véritable bastion, ses remparts hauts de quinze mètres, ses douves et son pont-levis sont une première difficulté. S'ajoutent à cela, les armes lourdes sur les tours et le passage régulier de sentinelles portant des lanternes. Nul doute que d'autres surprises les attendent encore dans cette forteresse de l'Inquisition. Ignorant tout de cela, Nina continue de faire parler Marta qu'elle invite finalement à "partager" son repas (en fait c'est elle qui mange tout). La vieille matronne ridée, gonflée d'orgueil à l'idée de s'attabler avec une personne aussi importante, fait s'éloigner Hanz et Phil à coups de torchon, et prend place en essayant de mimer ce qu'elle imagine être les attitudes d'une lady. Bien évidemment le résultat n'est pas du tout à la hauteur de ses efforts, et son sourire édenté ainsi que ses robes en laine odorante ne produisent pas l'ombre d'une illusion. Toutefois, elle ne semble jamais être à cours de ragots et une grande discussion s'engage entre les deux femmes. Elle lui apprend ainsi que les moines, les Frères aux Mains Vides de leur vrai nom, ne reçoivent pas n'importe qui, n'importe comment. Il faut apparemment être doté d'une autorisation spéciale mais elle ignore tout de son apparence ou de son obtention. Elle ajoute en postillonnant: "Peu seuls qu'ont pu sans le papelard, sont pas nombreux ma bonne Seigneurie! Y'a le bourgmestre pour sûr et aussi un fils de l'Empereur!". "Vous pouvez m'en dire plus?" espère Nina. "Ben c'est c'que c'est pas moé qu'y ait assisté directement mais d'ma grand-mère Herbette qui l'a vu comm'j'vous zieutte. Elle m'a tout craché quand j'y étais petiote: il étincellait comme s'il serait d'or et arrivé du ciel comme un ange! Et puis...". "Non je voulais dire par rapport au bourgmestre!". "Ben y va voir leur chef deux-trois dans l'année, le hiérophante Hyperion. C'qui s'disent personne sait mais m'est d'avis qu'ils causent pas d'la neige! En tout cas c'est là depuis toujours. Avant le bourgmestre Ron, Martel son père l'faisait déjà!". "Et vous n'avez pas une petite idée du contenu de leur conversation?". "Ben vous s'avez c'qu'e j'aime pas bien les rumeurs... Mais bon sa seigneurie est comme le Très-Haut et c'que j'sais Il le sait pour sûr alors j'peux bien vous l'dire! J'crois bien qu'ils caquettent sur...". Elle lui fait signe d'approcher. Les verrues autour de ses lèvres luisent du gras de la soupe. Nina avance son visage et Marta lui délivre de son haleine chargée d'ail et de tripes: "...Sur le fantôme de la gamine!". Voyant le visage de Nina prendre un air exaspéré, elle poursuit: "Si, si je l'assure vot'seigneurie! J'suis pas genre à rire sur la mort! Plusieurs l'ont vu, y'a l'esprit d'une petiote là-bas faut l'reconnaître! Parfois il est sur les murs et même qu'on l'a vu aussi sur le lac! Mais surtout c'est sa voix qui s'ouïe, elle entre dans nos âtres quand elle se mèle aux vents. Un rire terrible comme la fin des Temps vot'seigneurie. Faut le croire! ".
Pas de fantôme pour Panglos et Azog, mais la tentation d'entrer dans le bâtiment se fait de plus en plus grande. Finalement le slaugth explique à l'ork qu'il va se rendre à l'intérieur en repérage et qu'il n'a qu'à l'attendre ici. Il court ensuite jusqu'aux remparts qu'il grimpe avec facilité. Soudain il stoppe net son élan car il vient de découvrir que des servo-crânes cachés dans des meurtrières effectuent des rondes. Il parvient à éviter in-extremis leur vision nocturne en provoquant une extension de ses membres et continue son ascension de plus belle. Une fois au sommet, il fait quelques pas sur le chemin de ronde mais la porte de la tour la plus proche s'ouvre et il se suspend dans le vide sans bruit. Le garde passe puis s'arrête soudainement et se tourne dans sa direction. Craignant d'être repéré Panglos s'apprête à agir mais constate avec soulagemment que l'homme se contente d'uriner. Lorsque ce dernier repart, le xéno retourne sur le chemin de ronde et espionne les lieux. Le monastère dépasse largement les 20 mètres de haut et ses murs semblent bien épais. La cour est assez grande comprenant une sorte d'étable en bois et un bâtiment en pierre plus modeste. Quelques braseros projettent leur lueur et dévoilent un arco-flagellant immobile. Panglos poursuit ensuite son chemin et escalade une tour. Il surprend une conversation grivoise entre deux gardes occupés à se remémorer en gloussant la dernière fois où ils sont allés voir une certaine Hilda au village. Le xéno les détaille dans l'ombre et voit que leurs robes de moine cachent des armures pare-balles et des armes à munitions solides comme des fusils mitrailleurs ou des fusils à pompe. L'arme lourde de l'endroit est une baliste, préparée pour envoyer des pieux agrémentés de colliers de grenades. Pensant en avoir assez vu sur l'extérieur, le slaugth décide maintenant de se diriger vers le bâtiment principal pour essayer d'y pénétrer. Pour Azog, le temps paraît long, très long. Lorsque passe le premier quart d'heure il compte les dents qu'il garde précieusement dans sa poche. Mais le faire de nuit ne lui procure pas autant de plaisir qu'en plein jour. Il s'arrête donc et vérifie si ses armes ne pourraîent pas être améliorées grâce à son génie créatif. Le mekano est assez fier de ses talents, ce n'est pas pour rien qu'on l'appele le malin. Mais malheureusement pour lui, il n'y a rien pour lui ici à part de la neige et des cailloux. Il se donne un baffe, quel imbécile! Il aurait dût prendre du bois dans la forêt! Ses membres commencent maintenant à s'engourdir à cause du froid. Petit à petit, il se sent devenir faible et glacé. Il tente de se réchauffer dans ses déjections mais cela ne lui procure qu'un bien-être temporaire. Au bout d'un heure il ne tient plus, et décide de redescendre massacrer quelques villageois pour se réchauffer. A Villermarq, Nina se lève de sa chaise et annonce qu'elle croit à l'histoire de fantôme. Elle explique être elle-même spécialisée dans l'exorcisme et qu'elle s'en occupera demain matin si certains habitants lui montrent les endroits des manifestations de l'esprit. Cette annonce rencontre un vif succès car elle promet une bonne récompense à la clef distribuant des Trônes autour d'elle. Cette soudaine popularité n'est pas au goût de Cyrius qui, assis contre la cheminée et silencieux depuis le début, se rend compte qu'il recommence à baver copieusement par tous les pores de sa peau (une bénédiction du Nurgle). Il essait de se rendre dans un coin plus tranquile mais ne peut éviter le contact des occupants de l'auberge au comble de la joie. Certains sont surpris de se retrouver avec une sorte de mucus sur les doigts même si Cyrius leur affirme qu'il s'agit de neige fondue. Heureusement pour lui, Hanz, du haut de ses deux mètres complétés par des cheveux gras plaqués sur le côté et d'énormes rouflaquettes lui cachant la moitié du visage, intervient et lui offre de l'accompagner à sa chambre. Cyrius accepte avec joie et se retrouve dans une pièce spartiate occupée par une cheminée, un coffre, un pot de chambre et un lit de pailles. Hanz précise qu'il laisse Phil à sa disposition. Le savant de l'infamie saute sur l'occasion et fait appeler le jeune commis. Ce dernier apparaît à la porte, dévoilant sa face de rat au nez pointu et aux dents de travers en moitié gâtées. "J'ai cru comprendre que les nuits étaient fraiches par ici?". "Oui c'est ben l'cas vot'seigneurie mais j'vous ai mis des laines de plus dans vot'matelas". "En fait j'avais pensé à une chaleur un peu plus humaine...". "Je comprends vot'seigneurie, y'a qu'les murs qui sont de pierres! Hé hé hé!". Dix minutes plus tard, trois filles sont présentées à Cyrius qui choisit la plus jeune, une bergère de seize ans du nom de Bella. Phil la pousse à l'intérieur et referme la porte en gloussant "Booonne nuit vot'seigneuriiiiie hi hi hi...". Hilda s'avance visiblement très mal à l'aise. Elle était loin d'imaginer le sort que lui avait réservé Cyrius.